What is the Analytic Clinic? A text by Lacan
What is the psychoanalytic clinic? By J. Lacan
Ornicar nº9, 1977 Original translation R. Groome/ May 12, 2009
1) What is the psychoanalytic clinic? It is not complicated. It has a basis. It is what one says in psychoanalysis.
Qu’est-ce que la clinique psychanalytique ? Ce n’est pas compliqué. Elle a une base – C’est ce qu’on dit dans une psychanalyse.
2) In principle, it is proposed to say no matter what, but not no matter where – this is what I would call the psychoanalytic 'wind-saying'. That very well has a value – when one winnows, there are things that fly out. One can winnow oneself, winnow oneself of the so-called free association.
En principe, on se propose de dire n’importe quoi, mais pas de n’importe où – de ce que j’appellerai pour ce soir le dire-vent analytique. Ce vent a bien sa valeur – quand on vanne, Il y a des choses qui s’envolent. On peut aussi se vanter, se vanter de la liberté d’association, ainsi nommée.
3) What does 'free-association' mean? – when one speculates on this, on the contrary, it is recognizable that the association is absolutely not free. Certainly, there is a bit of play, but one would be wrong in wanting to understand by this that one is free. What is it to say of the unconscious but that the associations are necessary? What is said does not associate itself in an adventure. What we count on, is that what is said is associated each time that it is not dissociated which is, after all, convenient, but it is certainly not to say, that to be dissociated is free. Nothing is more necessary than the state of disassociation when one is imagined to react to a relation to the exterior.
Qu’est-ce que ça veut dire, la liberté d’association ? – alors qu’on spécule au contraire sur ceci, que l’association n’est absolument pas libre. Certes, elle a un petit jeu, mais on aurait tort de vouloir l’étendre jusqu’au fait qu’on soit libre. Qu’est-ce que veut dire l’inconscient, sinon que les associations sont nécessaires ? Le dit ne se socie pas à l’aventure. Ce sur quoi nous comptons, c’est que le dit se socie – chaque fois qu’il ne se dissocie pas, ce qui après tout est concevable, mais ce n’est certainement pas d’être dissocié qu’il est libre. Rien de plus nécessaire que l’état de dissociation quand on se l’imagine régir ce qu’on appelle le rapport à l’extérieur.
4) I said the exterior. One wants that this exterior would be a world. Now the supposition of a world is more partial (clipped off/a dung heap) than one thinks. It is cosmographic.
J’ai dit l’extérieur. On veut que cet extérieur soit un monde. Or la présupposition du monde n’est pas tout à fait fondée, le monde est plus émondé qu’on ne pense. Il est cosmographié.
5) The word cosmos has very well a sense that has been conserved. It bears the trace in the diverse modes of which we speak of the cosmos: one speaks of cosmetics … The cosmos is the beautiful. It is what is made beautiful – by what? In principle, the reason we try to make of it. But the reason has nothing to do with the 'make beautiful' which is an affair of the glorious body, which is imagined in the symbolic turned over on the imaginary. But this is a short-circuit. It is necessary for a Erwin Rhodes to render account of this sort of mental debility from whence are born these youngsters. It is with that one makes mummies. Proof of this unbelievable belief that the body lasts forever under the form of the soul has been enrooted for a long time. (* Erwin Rhodes, Greek scholar).
Le mot cosmos a bien son sens. Il l’a conservé, Il porte sa trace dans
divers modes dont nous parlons du cosmos, on parle de cosmétiques…
Le cosmos, c’est ce qui est beau. C’est ce qui est fait beau – par quoi ? en
principe par ce que nous appelons la raison. Mais la raison n’a rien à faire
dans le « faire beau » qui est une affaire liée à l’idée de corps glorieux,
laquelle s’imagine du symbolique rabattu sur l’imaginaire. Mais c’est un
court-circuit. Il faut Erwin Rhode pour se rendre compte de cette sorte de
débilité mentale d’où naissent ces mômeries. C’est avec ça qu’on fait les
momies. Preuve que cette incroyable croyance que le corps dure toujours
sous forme d’âme, est enracinée depuis très longtemps.
6) All of this is contemporary with what we call knowledge (savoir). It is the unconscious that is in question. It is not brilliant – one must make an effort to not believe that one is not immortal. Look what I radiophoned in this regard in Scilicet, where I polished-scholarized myself (play on words: roder= to polish, but also the scholar 'Rhodes').
Tout ça est très contemporain de ce que nous appelons le savoir.
C’est de l’inconscient qu’il s’agit. Et ça n’est pas brillant – il faut faire un
effort pour ne pas croire qu’on est immortel. Voyez ce que j’ai
radiophoné là-dessus dans Scilicet, où je me suis rhodé.
7) Here, then, one must clinic. That is to say, lie oneself down. The clinic is always connected with the bed – one goes to see someone lying down. And one has never discovered anything better than to make those who partake of an psychoanalysis to lie down in the hope of drawing a benefit which, one must say, can not be established in advance. It is certain that man does not think in the same way lying down as standing, if it is not from the fact that he does things better lying down – making love in particular, and love leads to all sorts of declarations. In the lying down position, man has the illusion of saying something that would be worth saying, that is to say, that it comes to bear on the real.
Alors, il faut cliniquer. C’est-à-dire, se coucher. La clinique est
toujours liée au lit – on va voir quelqu’un couché. Et on n’a rien trouvé de
mieux que de faire se coucher ceux qui s’offrent à la psychanalyse, dans
l’espoir d’en tirer un bienfait, lequel n’est pas couru d’avance, il faut le
dire. Il est certain que l’homme ne pense pas de la même façon couché
ou debout, ne serait-ce que du fait que c’est en position couchée qu’il
fait bien des choses, l’amour en particulier, et l’amour l’entraîne à toutes
sortes de déclarations. Dans la position couchée, l’homme a l’illusion de
dire quelque chose qui soit du dire, c’est-à-dire qui importe dans le réel.
8) The psychoanalytic clinic consists in the discernment of things that are important and will be massive as soon as one becomes conscious of them. The unconscious where one is with respect to these important things has absolutely nothing to do with the time that I believed to be able to designate the one-blunder (l'une-bevue). It is not at all sufficient that one suspects one's unconscious for it to recede – this would be too easy. This does not mean that the unconscious guides us well.
La clinique psychanalytique consiste dans le discernement de choses
qui importent et qui seront massives dès qu’on en aura pris conscience.
L’inconscience où on en est quant à ces choses qui importent, n’a
absolument rien à faire avec l’inconscient, qu’avec le temps j’ai cru devoir
désigner de l’une-bévue. Il ne suffit pas du tout que l’on ait soupçon de
son inconscient pour qu’il recule – ce serait trop facile. Ça ne veut pas
dire que l’inconscient nous guide bien.
9) Does a blunder need to be explained? Certainly not. Simply, psychoanalysis averts us of the fact that a blunder is always of the order of the signifier. There is a blunder when one mistakes a signifier. A signifier is always of a more complicated order than a sign. It is not because a signifier is written in a sign that is less true. An arrow, for example, designating an orientation is a sign, but it is not a signifier. In being written a signifier is reduced in its breadth to its signified. What it is signifies has, in effect, almost any sense in a given language. To measure this affair, take the example of the sense of the word duty (devoir) in French must have – the duty understood in the sense of mores … What sense are we to give to the use Freud advanced in this Traumdeutung, where he simmered it in his unconscious? – otherwise than there are words there that one represents as one can?
Une bévue a-t-elle besoin d’être expliquée ? Certainement pas.
Simplement, la psychanalyse suppose que nous sommes avertis du fait
qu’une bévue est toujours d’ordre signifiant. Il y a une bévue quand on se
trompe de signifiant. Un signifiant est toujours d’un ordre plus
compliqué qu’un simple signe. Ce n’est pas parce qu’un signifiant s’écrit
en signe que c’est moins vrai. Une flèche par exemple désignant
l’orientation, c’est un signe, mais ce n’est pas un signifiant. En s’écrivant,
un signifiant se réduit dans la portée de ce qu’il signifie. Ce qu’il signifie
a en effet à peu près n’importe quel sens dans une langue donnée. Pour
mesurer l’affaire, prenez par exemple le sens du mot devoir en français –
doit et avoir, le devoir entendu au sens des moeurs, le dû,… Quel sens
donner à ce que Freud a avancé dans sa Traumdeutung, où il l’a mijoté
son inconscient ? – sinon qu’il y a des mots qui là se représentent comme
ils peuvent ?
10) I must say that, although it is said that Freud is a writer, the Traumdeutung is excessively confused. It is even so confusing that one cannot say that it would be readable. I would like to know if someone has really read it from one end to the other. Me, by duty, I am obliged. In any case, translated in French, it does not have the same qualities as in German. In German, it holds together, but that does not render any clearer the notion of the unconscious, de l'Unbewusst.
Je dois dire que, bien qu’on ait voulu nous faire de Freud un écrivain, la
Traumdeutung est excessivement confuse. C’est même tellement confus
qu’on ne peut pas dire que ça soit lisible. J’aimerais savoir si quelqu’un
l’a vraiment lue de bout en bout. Moi, par devoir, je m’y suis obligé. En
tout cas, traduit en français, ça n’a pas les mêmes qualités qu’en
allemand. En Allemand ça se tient, mais ça ne rend pas pour autant
plus claire la notion d’inconscient, de l’Unbewusst.
11) You know the schema. There is the Wahrnehmung at the beginning – it is used in German to designate the perception – and then something passes, makes a progress, there are different layers of the Wahrnehmung, and afterward, there is the UBW, the unconscious, and after that the Vorbewusst, the preconscious, and from there, it passes to the conscience, Bewusstein. And well, I will say that to a certain point I put Freud back on his feet, If I speak of a 'return to' Freud, it is to say that at what point it is lame. It seems to me that the signifier explains how it works.
Vous connaissez le schéma. Il y a la Wahrnehmung au début – c’est ce
qui sert en allemand à désigner la perception – et puis quelque chose
passe, fait des progrès, il y a différentes couches de Wahrnehmung, à la
suite de quoi Il y a l’UBW, l’inconscient, et après ça, le Vorbewusst, le
préconscient, et de là, ça passe à la conscience, Bewusstsein. Eh bien, je
dirai que, jusqu’à un certain point, j’ai remis sur pied ce que dit Freud. Si
j’ai parlé de « retour à Freud », c’est pour qu’on se convainque d’à quel
point c’est boiteux. Et il me semble que l’idée de signifiant explique tout
de même comment ça marche.
12) The signifier signifies absolutely nothing. It is like this that Saussure expresses the thing – he spoke of the arbitrary, and in effect, there is absolutely no link between signifier and signified, there is only a sort of depot, a crystallization which is made and that is as necessary as it is arbitrary in Beneveniste's sense of the term. What is necessary, is that the word would have a usage, and that this usage would be crystallized, crystallized by this mixing that would be a new language. It is discovered, one does not know how that there are a certain number of people that have made usage of it. What determines the usage that one makes of a language?
Le signifiant ne signifie absolument rien. C’est comme ça que de
Saussure a exprimé la chose – il a parlé d’arbitraire, et en effet il n’y a
aucune espèce de lien entre un signifiant et un signifié, il y a seulement
une sorte de dépôt, de cristallisation qui se fait, et qu’on peut aussi bien
qualifier d’arbitraire que de nécessaire, au sens ou Benveniste agitait ce
mot. Ce qui est nécessaire, c’est que le mot ait un usage, et que cet
usage soit cristallisé, cristallisé par ce brassage qu’est la naissance d’une
nouvelle langue. Il se trouve que, on ne sait pas comment, il y a un
certain nombre de gens qui à la fin en font usage. Qu’est-ce qui
détermine l’usage qu’on fait d’une langue?
13) It is a fact that there is this thing that, borrowing a term of Freud, I call condensation. What is curious, is that condensation leaves the place for a displacement. What is contiguous does not eliminate the slipping, that is to say, the continuity. The Traumdeutung is not at all what one imagines. One translates it as the Science of Dreams, but since a lady called Meyerson corrected it, and called it the Interpretation of Dreams. But in reality, that which is in question is the Deutung (interpretation), the bedeuten (reference) only redoubles the blunder. In fact, for what is of reference (bedeutung/signification), one knows that the blunder is usual. Deutun means sense. These little plays between French and German serves to free up the gossip, but the gossip still keeps sticking.
C’est un fait qu’il y a cette chose que, reprenant un terme de Freud,
j’appelle condensation. Ce qui est curieux, c’est que la condensation
laisse la place au déplacement. Ce qui est contigu n’élimine pas la
glissade, c’est-à-dire la continuité. La Traumdeutung ce n’est pas du tout
ce qu’on s’imagine. On a traduit ça La Science des Rêves ; depuis, une
dame a corrigé Meyerson, et a appelé ça L’interprétation des Rêves. Mais
en réalité, ce dont il s’agit, c’est de la Deutung, bedeuten ne fait là que
redoubler la bévue, et en effet, pour ce qui est de la référence, on sait
bien que la bévue est coutumière. Deuten veut dire le sens, c’est ce qui
de-veut-dire. Ces petits jeux entre le français et l’allemand servent à
élasticiser le bavardage, mais le bavardage garde toute sa colle.
14) Language, whatever it would be, is chewing gum. What is remarkable is that it keeps things. They are rendered indefinable from the fact that what one calls (them) the language. This is why I permitted myself to say that the unconscious is structured like a language. A psychoanalyst can not not render an account of linguistics – the existence of the signifier in linguistics – but it lets escape how the place of truth is maintained to what one must call its place – its topological place. That is why I permitted myself to speak of tori at one time.
La langue, à peu près quelle qu’elle soit, c’est du chewing-gum.
L’inouï, c’est qu’elle garde ses trucs. Ils sont rendus indéfinissables du
fait de ce qu’on appelle le langage, et c’est pourquoi je me suis permis de
dire que l’inconscient était structuré comme un langage. La linguistique –
l’ex-sistence du signifiant dans la linguistique – un psychanalyste ne peut
pas ne pas en tenir compte, mais elle laisse échapper comment la vérité
se maintient à ce (10)qu’il faut bien dire être sa place, sa place
topologique – raison pourquoi je me suis permis de parler de tores, dans
un temps.
15) The unconscious is, therefore, not from Freud. It is necessary to say that it is from Lacan. That does not prevent the field itself from being Freudian.
L’inconscient donc n’est pas de Freud, il faut bien que je le dise, il est
de Lacan. Ça n’empêche pas que le champ, lui, soit freudien.
16) The dream differs from what must be called a demand and a desire. It differs, differend, and is differentiating in a way certainly non-manifest, and totally enigmatic. It suffices to view the difficulties Freud gives himself. The dream demands things, but there still, the German language does not serve Freud, for he does not find any other way to say this than a wish, Wunsch, which is in sum, between a desire and a demand.
Le rêve diffère, différend, de différencier de façon non manifeste
certes, et tout à fait énigmatique – il suffit de voir la peine que Freud se
donne – ce qu’il faut bien appeler une demande et un désir. Le rêve
demande des choses, mais là encore, la langue allemande ne sert pas
Freud, car il ne trouve pas d’autre moyen de la désigner que de l’appeler
un souhait, Wunsch qui est en somme entre demande et désir.
17) From these preliminary explorations one does not know how each person has an unconscious. Freud had reason, therefore, but one can not say that the unconscious was very well isolated by him. I have made it the function of what I have called the symbolic, and that it is stressed in the notion of the signifier.
Pour chacun, on ne sait par quelle voie, quelque chose chemine de ces
premiers propos entendus, qui fait que chacun a son inconscient. Freud
avait donc raison, mais on ne peut pas dire que l’inconscient soit par lui
vraiment isolé, isolé comme je le fais par la fonction que j’ai appelée du
symbolique, et qui est pointée dans la notion de signifiant.
18) To suppose that the psychoanalytic clinic is what I have just said indicates a direction for those who are dedicated to it. It is necessary to make a decision: is the unconscious, yes or no, what I called on the occasion some bla-bla-bla? It is difficult to deny that Freud, all along with his Science of Dreams, only speaks of words that are translated. There is only language in this elucidation of the unconscious. He is doing linguistics without knowing it, without having the least idea.
Supposer que la clinique psychanalytique, c’est ça, indique une
direction à ceux qui s’y consacrent. Il faut trancher -l’inconscient, est-ce
oui ou non ce que j’ai appelé à l’occasion du bla-bla ? Il est difficile de
nier que Freud, tout au long de La Science des Rêves, ne parle que de
mots, de mots qui se traduisent. Il n’y a que du langage dans cette
élucubration de l’inconscient. Il fait de la linguistique sans le savoir, sans
en avoir la moindre idée.
19) Freud goes even as far as asking if the dream is a way of expressing negation. He says, first of all, 'no', it is a question of logical relations, and he says afterward that the dream finds all the same something to designate negation. The non in the dream does it exist? A question that Freud leaves in suspense and contradicts himself with. That does not suffice to catch us up in this, but it remains very surprising that the psychoanalytic clinic would not be more assured. Why not ask for the reason (guidance) of how the psychoanalyst directs her/himself in the Freudian field?
Il va même à se demander si le rêve a une façon
d’exprimer la négation. Il dit d’abord que non, s’agissant des relations
logiques, et il dit après que le rêve trouve quand même un truc pour
désigner la négation. Le non dans le rêve existe-t-il ? Question que Freud
laisse en suspens, sur laquelle il se contredit, c’est certain. Cela ne suffit
pas pour que nous le chopions là-dessus, mais il reste très frappant que
la clinique psychanalytique ne soit pas plus assurée. Pourquoi ne
demande-t-on pas raison au psychanalyste de la façon dont il se dirige
dans ce champ freudien ?
20) Evidently, I am not very hot this evening to say when one does psychoanalysis, one knows where one goes. Psychoanalysis, like other human activities, participates incontestably in an abuse. One acts as if one knows something. It is not, however, very sure that the hypothesis of the unconscious would have more weight than the existence of language. Voila … that is what I wanted to say this evening. I propose that the section entitled at Vincennes 'The psychoanalytic clinic' would be a way to interrogate the psychoanalyst and to make them declare their reasons. That those who find something in what I advanced this evening to declare it.
Évidemment, je ne suis pas chaud-chaud ce soir pour dire que quand
on fait de la psychanalyse, on sait où on va. La psychanalyse, comme
toutes les autres activités humaines, participe incontestablement de
l’abus. On fait comme si on savait quelque chose. Il n’est pourtant pas si
sûr que ça que l’hypothèse de l’inconscient ait plus de poids que
l’existence du langage. Voilà ce que je voulais dire ce soir.